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FNS: Le PNR 58 examine la façon dont la minorité musulmane est perçue aux niveaux médiatique et politique

Bern (ots)

Des immigrants dont on a fait des musulmans

Au cours des dernières années, une schématisation consistant à présenter les musulmans comme un danger pour la Suisse s'est opérée. Une étude du Programme national de recherche «Collectivités religieuses, Etat et société» (PNR 58) a mis en évidence trois raisons à cette évolution: les attentats terroristes à l'étranger, le calcul politique des partis populistes de droite, ainsi que la tendance des médias à la polarisation et à la généralisation.

Comment les personnes de confession musulmane sont-elles perçues en Suisse? Telle est la question que Patrik Ettinger et Kurt Imhof, du domaine de recherche public et société (fög) de l'Université de Zurich, ont examiné dans le cadre du PNR 58. Avec pour point de départ un constat: dans le débat public, les migrants de confession musulmane sont perçus en bloc comme des musulmans et comme une menace pour la Suisse, et ce même lorsqu'ils n'ont rien à voir avec le fondamentalisme. Originaires de pays aussi divers que la Turquie, la Macédoine ou le Maroc et pratiquant leur religion de manières diverses, ces migrants se considèrent avant tout comme membre d'un groupe ethnique, c'est-à-dire comme Turc, Macédonien ou Marocain.

Comment cette généralisation et cette problématisation ont-elles émergé? Les deux sociologues se sont concentrés sur le discours public médiatique et politique: ils ont analysé les contenus des quotidiens et des hebdomadaires suprarégionaux, ainsi que les émissions d'information de la télévision alémanique comme «Tagesschau» et «10vor10», respectivement à partir des années 1960 et de 1998. Leur objectif était de mettre en évidence l'importance accordée aux musulmans dans la couverture médiatique. Ils ont également analysé les interventions et les interpellations parlementaires, ainsi que le compte-rendu dont ces dernières faisaient l'objet dans les médias.

Les particularités ethniques et non la religion Pendant longtemps, les musulmans n'ont guère été thématisés dans le discours public en tant que groupe religieux. Le premier écho de grande envergure remonte à 1979, avec la révolution iranienne. Toutefois, cette dernière n'a été interprétée à l'époque que dans une perspective Est-Ouest, en raison du durcissement de la guerre froide. L'importance de ce contexte apparaît aussi dans les comptes-rendus de la guerre en Afghanistan: là non plus, la religion n'a pratiquement pas été thématisée. Au niveau de la politique intérieure, l'islam est encore moins évoqué - en dépit de l'arrivée en Suisse de travailleurs migrants venus de Turquie et d'ex-Yougoslavie à partir des années 1960. Les confessions religieuses de ces immigrés n'avaient aucune importance. «Ce qui ne veut pas dire que ces personnes faisaient l'objet d'une thématisation bienveillante», relève Patrik Ettinger. Mais les problèmes étaient mis en relation plutôt avec certaines caractéristiques ethniques qu'avec la religion.

Les choses ont changé après les attentats terroristes de septembre 2001 aux Etats-Unis. «Toutefois, au départ, les médias faisaient une claire différence entre le terrorisme islamique à l'étranger et les musulmans de Suisse, intégrés et pacifistes», poursuit Patrik Ettinger. Le tournant s'est amorcé dès 2004: avec les attentats de Madrid et de Londres (2005), et la controverse des caricatures de Mahomet (2006), les idées véhiculées par la thèse de Samuel P. Huntington du «clash des civilisations» se sont établies dans la communication publique.

Façonnement d'une minorité musulmane La perception d'un islam belliqueux impliqué dans des conflits internationaux a été de plus en plus généralisée aux musulmans de Suisse. L'analyse des chercheurs montre que cette perspective a été surtout attisée par l'UDC. Dans ses annonces et sur ses affiches, ce parti a toujours davantage souligné l'origine musulmane des migrants, en plus de leur origine ethnique - par exemple dans sa campagne pour la votation sur la naturalisation facilitée des étrangers de deuxième et de troisième génération en 2004. Des représentants d'autres partis et les médias ont certes critiqué cette campagne, la qualifiant de raciste et de provocatrice. Mais pratiquement aucun débat de fond n'a eu lieu. «Cela a contribué à façonner une minorité musulmane en Suisse dans la communication publique», affirme Patrik Ettinger.

Dans le cadre de l'initiative anti-minarets, les comptes-rendus des médias sur cette minorité sont devenus de plus en plus généralisateurs et négatifs: les musulmans ont été toujours davantage décrits collectivement comme «violents» et «ignorants», par exemple. En 2006, dans les médias étudiés, près d'un tiers des typifications des musulmans étaient généralisatrices ou négatives. Cette part a atteint la moitié des typifications en 2009. Le fait que les médias aient accordé davantage de place aux positions extrêmes et provocatrices a également contribué à cette évolution.

Initiative anti-minarets: présence médiatique grâce à la provocation Dans le cas de la couverture de l'initiative anti-minarets, le phénomène est apparu de manière particulièrement flagrante. Même si la plupart des partis étaient opposés à l'initiative, ces derniers ont bénéficié de trois fois moins d'écho dans les médias que les partisans et leurs positions provocatrices. «Cela vient aussi du fait que les opposants se sont nettement moins engagés», précise Patrik Ettinger. La parole a été donnée le plus souvent à des musulmans dans le rôle des opposants à l'initiative. Conclusion des deux scientifiques: les médias n'ont pas réussi à instaurer un débat public différencié autour de cette votation.

Un résumé de l'étude et le texte de ce communiqué de presse sont disponibles sur le site Internet du Fonds national suisse: www.fns.ch > Médias > Communiqués de presse

Contact:

Patrik Ettinger
Domaine de recherche public et société (fög)
Université de Zurich
Andreasstrasse 15
8050 Zurich
Tél.: +41 (0)44 635 21 26
e-mail: patrik.ettinger@foeg.uzh.ch

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