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EDI: Île St-Pierre - Pour une politique familiale durable

Berne (ots)

Seule la version orale fait foi
Mesdames, Messieurs,
Je vous souhaite la bienvenue à l'occasion de notre rencontre 2004 
sur l'Île St-Pierre. Si quelques-uns parmi vous craignaient déjà de 
devoir renoncer cette année à notre marche traditionnelle, je les 
rassure : elle continuera à avoir lieu, mais ce sera, selon les 
circonstances, avant ou après la pause d'été.
Je souhaite, cette année, mettre la " politique familiale " au 
centre de nos réflexions. C'est en effet le thème politique 
transversal de notre époque, car il reflète les mutations sociales. 
L'évolution des structures familiales est le miroir de la société.
Le Rapport sur les familles retrace l'évolution des dernières 
décennies et constitue un état des lieux de la politique familiale 
actuelle
Tel est l'objectif principal du nouveau " Rapport sur les familles " 
: ce rapport, le deuxième du genre au niveau national après celui de 
1978, retrace les mutations de la famille au cours des dernières 
décennies en termes de statistiques, décrit les changements et met 
en lumière ce qui évolue en permanence sans que nous le remarquions.
Ce rapport analyse la politique familiale de manière critique. Il 
présente tous les aspects de cette politique, montre ce que font la 
Confédération, les cantons et les communes et relève aussi les 
lacunes existantes. Enfin, il compare la politique familiale en 
Suisse à celle des pays voisins et la replace dans le contexte 
européen.
Divisé en deux parties, le rapport montre comment la politique 
familiale, conçue à son origine comme une politique de lutte contre 
la pauvreté, s'est efforcée au cours des dernières années 
d'améliorer la compatibilité entre vie familiale et activité 
professionnelle.
Les raisons à cette évolution sont liées à la politique de 
l'égalité, à la conjoncture économique, à la situation sur le marché 
de l'emploi. Le Rapport sur la famille permet enfin de constater que 
les pays industrialisés européens admettent de plus en plus la 
nécessité d'une politique démographique.
Fossé entre le désir de fonder une famille et la réalité
La Suisse a toujours moins d'enfants. Aujourd'hui, les femmes 
suisses ont moitié moins d'enfants qu'au milieu des années 60 : en 
moyenne 1,4 alors qu'en 1970, elles en avaient 2,1. Comme vous 
pouvez le voir sur le graphique 1, cette évolution s'accompagne 
d'une augmentation constante du nombre de femmes sans enfants, 
notamment chez les femmes ayant fait des études universitaires. 
Aujourd'hui, un cinquième des femmes n'a pas d'enfants.
Une première question se pose : les jeunes gens ont-ils de moins en 
moins envie d'avoir des enfants ? Le graphique suivant (2) nous 
montre que ce n'est pas le cas. Quel que soit le niveau d'études, le 
nombre d'enfants désirés dépasse le nombre d'enfants effectivement 
mis au monde. Cet écart s'accentue chez les femmes qui ont fait des 
études universitaires. Ce qui frappe, c'est que pendant la vie 
professionnelle, ces souhaits sont radicalement revus à la baisse. 
Cela prouve que les couples désireux de fonder une famille ou 
d'avoir d'autres enfants sont confrontés à trop d'obstacles.
Fossé entre désir de travailler et possibilités effectives
Nous constatons un deuxième point : les jeunes mères souhaitent 
travailler davantage. Elles sont plus nombreuses à travailler 
qu'autrefois. Dans presque la moitié des couples, la femme travaille 
à temps partiel et l'homme à plein temps.
Mais c'est précisément parmi les mères que le taux de sans-emploi 
est le plus élevé (graphique 3) et le taux de sous-emploi le plus 
fort (graphique 4). Il est évident qu'il y a trop peu d'emplois à 
temps partiel. D'une manière générale, trop d'obstacles s'opposent à 
ce que les mères puissent travailler autant qu'elles le voudraient.
La Suisse a besoin de plus d'enfants et de plus de femmes qui 
travaillent
La société ne doit pas mettre des obstacles à ces souhaits. Les 
enfants font le bonheur des parents, mais aussi celui de la société. 
Une société qui a davantage d'enfants est une société qui a moins de 
problèmes démographiques, des œuvres sociales plus stables et une 
capacité d'innovation plus forte.
Chacun sait aussi qu'il est avantageux pour l'économie suisse que 
les femmes, dont la formation est aussi bonne que les hommes, 
mettent à profit dans la vie professionnelle leurs compétences. Et 
puis les cotisations qu'elles versent contribuent de surcroît à 
stabiliser les œuvres sociales.
La Suisse peut-elle réellement se permettre de renoncer aux 
compétences des femmes ? Peut-elle se permettre d'avoir toujours 
moins d'enfants, notamment chez les universitaires ? Ce sont là des 
questions délicates et la comparaison européenne montre que les 
solutions ne sont pas évidentes.
Cela dit, il y a une chose à laquelle la société ne peut renoncer : 
c'est d'observer. Refuser de voir la réalité ne sert à rien. C'est 
pourquoi j'espère que ce Rapport sur les familles incitera à 
réfléchir.
Pour une " politique familiale durable "
Il faut commencer par oser aborder la question de la natalité. C'est 
ce que font de plus en plus de pays européens. Pendant longtemps, la 
France a été le seul pays à aborder ouvertement le sujet. D'autres 
pays se mettent à discuter de politique démographique. C'est ainsi 
que l'Allemagne, où pour des raisons évidentes ce sujet était tabou 
depuis 50 ans, a commandé il y a six mois une étude qui a suscité 
beaucoup d'intérêt et dont j'approuve l'esprit. Celle-ci parvient à 
la conclusion que l'Allemagne doit viser un double objectif : 
augmenter le taux de natalité et le taux d'activité professionnelle 
des femmes. C'est exactement ce dont la Suisse a aussi besoin. Mais 
le libéral que je suis entend préciser un point : il n'appartient 
pas à l'Etat de s'ingérer dans la sphère privée des individus.
Dans cet esprit, j'ai du mal à utiliser des termes comme " politique 
démographique " ou " politique nataliste ". Le rôle de l'Etat doit 
se borner à éliminer les obstacles afin que les enfants désirés 
puissent venir au monde. Il doit aussi supprimer tout ce qui 
défavorise les femmes sur le marché du travail.
Pour cela, nous devons passer de la politique familiale 
traditionnelle à une politique familiale durable.
Principes d'une politique familiale durable
Qu'est-ce que j'entends par " politique familiale durable " ? Par 
rapport à la politique familiale traditionnelle où il s'agit de " 
faire quelque chose en faveur des familles ", nous devrions nous 
préoccuper davantage de ce qui incite les jeunes couples de fonder 
une famille ou d'avoir un deuxième ou un troisième enfant.
C'est-à-dire nous demander " comment faire en sorte que la vie 
familiale soit encore possible dans 20 ans ? ". Nous devons procéder 
au même changement de paradigme qui a marqué la politique 
environnementale, financière ou sociale, c'est-à-dire mettre la " 
durabilité " au cœur des préoccupations.
Comme le montre le rapport, la politique familiale traditionnelle 
est conduite selon les axes suivants :
* redistribution verticale (compensation des charges et protection 
contre la pauvreté)
* redistribution horizontale (indemnisation des prestations fournies 
par les familles)
* combattre les désavantages structurels qui touchent les couples 
avec enfants (compensation par rapport à ceux qui n'ont pas 
d'enfants) 
* intérêt de l'enfant
* politique de l'égalité (hommes-femmes)
* politique démographique (surtout en France)
Quels sont dès lors les points essentiels d'une politique familiale 
durable ? Il y en a un qui fait l'unanimité des experts. Ce n'est 
pas le soutien financier et le coût des enfants qui sont les 
principaux obstacles à la réalisation du désir d'enfants, mais les 
problèmes qui se posent lorsque l'on veut concilier vie familiale et 
activité professionnelle. Ce ne sont donc pas les coûts directs 
occasionnés par les enfants qui sont un obstacle mais les coûts 
indirects, les coûts d'opportunité, qui amènent à choisir entre une 
vie avec enfant(s) et une vie sans enfant. De plus en plus souvent, 
cela conduit les couples à renoncer à avoir des ou d'autres enfants.
Si l'on veut mener une politique familiale durable, il faut donc 
avant tout réduire ces coûts d'opportunité et par conséquent mettre 
la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle au centre 
de cette politique.
Le rapport recense les différentes manières de mener une politique 
familiale. Celle de la Suisse peut être qualifiée de libérale et 
subsidiaire, ce qui la différencie du modèle social-démocrate des 
pays nordiques, du schéma " familiariste " français, mais aussi des 
politiques peu développées des pays du sud de l'Europe. C'est au 
système anglais que la politique suisse s'apparente le plus, mais à 
un niveau beaucoup plus élevé sur le plan quantitatif.
On retrouve ces disparités, en partie d'origine culturelle, 
lorsqu'on compare les modèles des cantons et des communes. C'est 
ainsi que la politique familiale tessinoise a peu de points communs 
avec celle d'Appenzell-Rhodes intérieures. Faudrait-il dès lors que 
la Confédération intervienne ?
Actuellement, deux questions de ce genre sont discutées au 
Parlement. Il s'agit de savoir, d'une part, si les allocations 
familiales doivent être réglées au niveau fédéral (initiative 
parlementaire Fankhauser) et, d'autre part, si les prestations 
complémentaires destinées aux familles dans le besoin (initiative 
parlementaire Fehr/Meier-Schatz) doivent aussi être aménagées au 
niveau fédéral.
Dans les deux cas, il y a de bons arguments pour et contre une plus 
grande influence de la Confédération. Le Conseil fédéral se penchera 
en automne sur le sujet dès qu'un projet concret aura été élaboré.
Comme je l'ai déjà dit, il est clair, s'agissant d'une politique 
familiale durable, que les deux initiatives parlementaires en 
question, qui sont des projets de transferts financiers, ne 
contribuent qu'indirectement à concilier vie familiale et vie 
professionnelle. Elles ne peuvent donc pas être considérées comme 
les priorités d'une politique familiale durable.
De plus, il ne faut pas assimiler la politique familiale durable à 
un transfert de tâches des cantons à la Confédération. Cette 
politique devrait être menée à tous les niveaux.
Points essentiels d'une politique familiale durable
J'aimerais citer quelques points essentiels d'une politique 
familiale durable. Ils concernent, l'échelon fédéral, cantonal ou 
communal ainsi que les niveaux non-étatiques.
1. Pour améliorer la compatibilité entre vie familiale et vie 
professionnelle, il faut si possible instaurer partout des " 
périodes bloc " au jardin d'enfants et à l'école. Le Conseil 
fédéral, sur proposition de mon département, a accepté une motion 
dans ce sens (groupe radical-libéral/Langenberger). Celle-ci exige 
que tous les cantons s'y mettent. A défaut, la Confédération devra 
intervenir comme cela a été le cas pour l'harmonisation de la 
rentrée des classes. Il faut de surcroît augmenter l'offre d'écoles 
de jour, au niveau cantonal.
2. Il est souhaitable de scolariser les enfants plus tôt. Cette 
mesure est nécessaire pour des raisons de politique familiale et 
pour des motifs de formation et d'intégration. Vous voyez sur le 
graphique 5 les différences cantonales quant aux entrées au jardin 
d'enfants. Vous constatez sur le graphique suivant que les 
performances scolaires en Suisse dépendent trop du niveau de 
formation des parents (graphique 6). Une entrée à l'école plus 
précoce permettra de lutter contre cela.
3. Crèches: les crèches sont une excellente chose tant dans 
l'optique de la conciliation entre vie professionnelle et vie 
familiale que dans celle de la politique d'intégration et de 
l'égalité des chances. Elles répondent à un véritable besoin. 
Sachant que l'offre est insuffisante dans de nombreuses parties du 
pays, le Parlement a créé des incitations financières. Il s'agit 
d'une mesure d'encouragement de la Confédération limitée dans le 
temps. J'ai été étonné de voir que les ressources disponibles n'ont 
pas été utilisées dans la mesure escomptée. L'évaluation que j'ai 
mandatée devra m'en donner les raisons. Les ajustements nécessaires 
devront être déjà réalisés dans le cadre de la deuxième tranche de 
crédit.
Je me demande toutefois quel doit être le rôle de l'Etat à long 
terme dans ce domaine ?
La politique doit-elle intervenir dans l'aménagement de crèches en 
imposant des charges bureaucratiques ? Les crèches d'un canton qui 
impose peu de réglementation sont-elles moins bonnes que d'autres 
crèches où toute une série de conditions doivent être remplies ? Le 
perfectionnisme helvétique explique-t-il le coût élevé ou trop élevé 
des crèches ?
Je souhaite des réponses à toutes ces questions. Je me demande 
parfois si les subventions allouées aux crèches par l'Etat ne 
pourraient pas être aménagées en fonction de la demande. 
Aujourd'hui, ce sont les places qui sont subventionnées. Demain, on 
pourrait imaginer un système où les demandeurs recevraient des bons 
d'assistance. Ainsi, les fournisseurs de prestations seraient soumis 
à une certaine concurrence. Je vais charger l'administration 
d'étudier un modèle de ce genre. Sur la base des résultats de cette 
étude, les communes ou les cantons pourraient démarrer des 
expériences.
4. Je pense qu'il faudrait créer au niveau cantonal une Conférence 
des directeurs des affaires familiales qui s'occuperait uniquement 
des questions relatives à la famille et assurerait une certaine 
harmonisation intercantonale. Une étude publiée par la Conférence 
suisse des institutions d'action sociale (CSIAS) démontre que 
plusieurs cantons ne mènent pas encore une politique familiale 
cohérente.
5. Des organismes privés devraient établir des ratings pour noter 
les communes et les cantons favorables aux familles (j'ai récemment 
lu une bonne notation concernant les communes du canton de Zurich à 
ce propos) et pour promouvoir la compétitivité entre les localités.
6. Des contrats pour la famille (autorités communales, paroissiales, 
familles, entreprises locales) allant dans le sens de " Public- 
Private-Partnerships " pourraient être institutionalisés au niveau 
des communes qui est l'échelon idoine en matière de politique 
familiale concrète.
7. Il convient, justement dans l'esprit d'une " Alliance " 
stratégique en faveur de la famille, d'intégrer le monde de 
l'entreprise. Il faudrait instaurer au niveau national une alliance 
entre les autorités et les (grandes) entreprises pour promouvoir une 
culture d'entreprise favorable à la famille. Le Département de 
l'Économie a pris de telles initiatives en réponse à une motion. 
Nous avons besoin de modèles de temps de travail favorables à la 
famille. On peut songer ici aussi à des ratings, ou à des systèmes 
de certification.
8. L'évolution de la famille doit être suivie de près. C'est 
pourquoi j'ai décidé de faire mettre à jour la partie statistique du 
Rapport tous les deux ans. Il faut aussi améliorer les statistiques 
sur les thèmes relevant de la politique familiale (allocations pour 
enfant, offres d'accueil extra-familial).
9. Dans le domaine de l'imposition de la famille, il s'agit de 
réaliser le principe important de l'imposition individuelle. Pour 
lutter contre la pauvreté des familles, on pourrait étudier 
l'instauration d'un impôt négatif sur le revenu ou des bonifications 
fiscales pour les working poors. Le graphique suivant (graphique 7) 
vous montre que ce problème n'est pas encore résolu à l'heure 
actuelle.
10. Enfin, le congé maternité fait lui aussi sens dans le contexte 
d'une politique familiale durable.
Il faut susciter un vaste débat
L'une des conclusions du présent Rapport sur la famille est qu'il 
faut élaborer une stratégie au niveau national. J'ai esquissé les 
grands traits du projet de politique familiale durable. Les dix 
points essentiels proposés doivent maintenant être discutés et 
complétés.
Je souhaite qu'un vaste débat sur la politique familiale durable 
s'instaure car la politique familiale est une politique sociétale au 
meilleur sens du terme.
Il ressort d'études comparatives réalisées dans les pays voisins que 
les particularités culturelles et les traditions jouent un grand 
rôle dans la politique familiale. Ainsi, la même recette de 
politique familiale durable n'aura pas partout le même succès.
En Suisse des études montrent que les mutations qui se produisent 
dans le monde du travail (toujours plus d'horaires de travail 
irréguliers, fréquents changements de lieu de travail) rendent la 
conciliation entre vie professionnelle et vie familiale plus 
difficile.
Le temps consacré à la famille et celui consacré à l'activité 
professionnelle s'imbriquent, les disparités quant à la durée et au 
lieu de l'activité professionnelle peuvent détruire le vécu 
quotidien de la famille.
Nous aurons besoin à l'avenir de nouveaux rapports sur la famille et 
de nouvelles analyses. La pire des attitudes serait de fermer les 
yeux face à l'évolution actuelle. D'où la manifestation 
d'aujourd'hui.
Sans enfants, une société n'a pas d'avenir. L'Europe l'a compris. La 
Suisse doit elle aussi se réveiller.
Je vous remercie de votre attention.
Informations supplémentaires: www.bsv.admin.ch

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