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EDI: Conférence des Ambassadeurs 2003 Le rôle du Président de la Confédération en politique étrangère

Berne (ots)

Mesdames et Messieurs,
J'aimerais profiter de cette conférence pour réfléchir avec vous sur 
le rôle du Président de la Confédération en politique étrangère. 
D'une manière générale, soulignons tout d'abord que c'est au Conseil 
fédéral de conduire la politique étrangère. Il en a notamment fixé 
le cadre actuel dans le Rapport sur la politique extérieure du 
Conseil fédéral 2000. Bien sûr, il appartient au Chef du DFAE et aux 
diplomates de gérer et de coordonner les affaires étrangères au 
quotidien. Sans le soutien du DFAE, l'action du Conseil fédéral et 
du Président sur le front extérieur serait impossible. Je tiens à 
remercier Mme Calmy-Rey de son appui ainsi que vous tous de votre 
aimable et efficiente collaboration.
Dans ce cadre, quel peut et quel doit être le rôle du Président de 
la Confédération ? La réflexion sur son rôle dans les relations 
extérieures n'est pas nouvelle. Depuis la naissance de la 
Confédération, la diplomatie présidentielle helvétique s'est, bon 
gré mal gré, adaptée aux évolutions des relations internationales.
Permettez-moi de m'étendre un instant sur le passé. Les Suisses 
aiment les approches basées sur les expériences du passé. De 1848 
jusqu'en 1914 (à l'exception de la période 1888 à 1895), la 
direction du Département politique fédéral est liée à la présidence 
de la Confédération.
Le titulaire du Département politique change donc chaque année. La 
responsabilité de la politique extérieure est ainsi confiée à 
l'ensemble du gouvernement et personnifiée par le Président de la 
Confédération.
Au regard de la complexité croissante des relations internationales 
au début du XXème siècle, cette pratique se modifie. En 1914, au 
terme de son mandat présidentiel, le Conseiller fédéral Arthur 
Hoffmann resta à la tête du Département politique.
Pendant toutes ces années, le Président de la Confédération mais 
aussi les autres Conseillers fédéraux ne se rendent que rarement à 
l'étranger. En janvier et en décembre 1919, le Président de la 
Confédération et chef du DFI Gustave Ador se rend à Paris et à 
Bruxelles mais en "voyage privé"! Gustave Ador déclara d'ailleurs à 
ce propos: "J'espère que les membres du gouvernement fédéral sortent 
à l'avenir de leur splendide isolement de jadis et entretiennent 
avec les membres des autres gouvernements les relations personnelles 
qui peuvent faire beaucoup de bien à nos rapports internationaux".
Il faudra attendre les années 50 pour que les Présidents de la 
Confédération sortent à nouveau des frontières. Ce n'est qu'en 1956 
qu'un autre Président de la Confédération s'aventure officiellement 
à l'étranger : Markus Feldmann, chef du DFJP, se rend à Milan pour 
le 50ème anniversaire de l'ouverture du tunnel du Simplon !
Dès 1970, plusieurs voyages de Présidents de la Confédération sont 
organisés pour participer à des réunions internationales et dès les 
années 90, les voyages présidentiels se multiplient et se 
banalisent. A la fin des années 90, un conseiller diplomatique est 
systématiquement détaché auprès du Président par le DFAE.
La fonction de Président dans le domaine de la politique étrangère 
s'est donc modifiée sous l'effet d'une intensification des contacts 
internationaux. Les défis qui se présentent aujourd'hui à la 
communauté internationale sont caractérisés par leur nature 
transnationale et multidimensionnelle. Les échanges commerciaux, la 
protection de l'environnement, les flux financiers, les migrations, 
les relations scientifiques et culturelles se sont globalisés.
Le Président, mais d'une manière générale tous les conseillers 
fédéraux sont aujourd'hui actifs sur le plan international. Les 
déplacements, les réunions et les sommets multilatéraux se 
multiplient. La fréquence des contacts au niveau des chefs d'Etat ou 
de chefs de gouvernement s'accélère.
Imaginons un instant que la Suisse soit membre de l'UE : le 
Président de la Confédération qui fait aujourd'hui un petit nombre 
de voyages à l'étranger, serait obligé de passer beaucoup plus de 
temps en dehors des frontières !
Il n'est aujourd'hui plus pensable que le Président suisse refuse de 
participer à un événement international d'envergure et néglige des 
possibilités de contacts.
Lors du la Conférence européenne d'Athènes, par exemple, j'ai eu 
l'occasion de remercier le Premier Ministre et le Ministre de 
finances grecs pour leur engagement dans le cadre des Bilatérales 
II. J'ai eu également la possibilité d'aborder notre dossier 
européen avec d'autres Chefs d'Etat. Au déjeuner informel de ce même 
Sommet, j'ai pu discuter avec M. Prodi des perspectives européennes, 
dont celles de la Suisse, et de l'influence croissante de la Chine 
dans le cadre du développement économique en Europe. Ces contacts 
bilatéraux sont d'autant plus importants que nous ne sommes pas 
membre de l'UE.
Pour défendre ses intérêts, un Etat moderne se doit d'accorder une 
place toujours plus grande aux contacts entre les Etats, aux 
rencontres personnelles. Si l'action du corps diplomatique est 
irremplaçable, il arrive qu'une relation personnelle appuie l'action 
de fond qui est la vôtre.
Cette année, j'ai eu l'occasion de rencontrer de nombreux Chefs 
d'Etat et de gouvernement européens. Les entretiens que j'ai eus 
avec le Président Chirac ou le Chancelier Schröder créent, je 
l'espère, un climat favorable pour la défense de nos intérêts avec 
ces deux pays. Finalement, ces contacts donnent à des préoccupations 
souvent abstraites un visage, certes changeant car notre système le 
veut ainsi, mais un visage qui apporte une dimension humaine aux 
relations bilatérales.
Dans ce contexte, très différent de celui du début du siècle 
dernier, la Suisse est quelque peu pénalisée dans ses moyens 
d'action en politique étrangère : elle n'a pas vraiment les 
possibilités de jouer à fond et sur la durée la carte de la 
diplomatie présidentielle. Avec les particularités de son système de 
gouvernement, les contacts personnels que le Président de la 
Confédération noue en l'espace d'une année - en Suisse ou lors de 
ses déplacements de plus en plus nombreux à l'étranger - restent 
malheureusement éphémères.
Cette discontinuité dans la fonction présidentielle suisse ne 
facilite donc guère une dynamique de dialogue à moyen et long terme 
au plus haut niveau. Un chef d'Etat ou de gouvernement étranger se 
retrouvant à intervalles réguliers face à un interlocuteur suisse 
différent.
Certes, la politique étrangère suisse est définie par le Conseil 
fédéral et coordonnée par le DFAE. Certes, la collaboration et la 
synergie entre le DFAE et la Présidence sont excellentes. Mais ceci 
contraste souvent avec les responsabilités de nombre de chefs d'Etat 
ou de gouvernement qui considèrent la politique étrangère comme un 
domaine sinon réservé du moins préférentiel et en assurent la 
continuité. La question qui se pose dès lors est de savoir si l'on 
considère le système présidentiel actuel comme satisfaisant car il 
correspond fondamentalement aux mœurs helvétiques; ou s'il 
conviendrait de l'aménager afin de mieux "exploiter" la fonction 
présidentielle. Si tel devait être le cas, on pourrait imaginer 
trois scénarii.
Premièrement, on pourrait songer à la prolongation du mandat du 
Président de la Confédération à deux, trois voire quatre années. 
Mais alors, on courrait le risque que certains Conseillers fédéraux 
n'accèdent jamais à la fonction suprême et que le Président prenne 
un ascendant non désiré sur ses pairs.
Deuxièmement, on pourrait revenir au système précédent : maintenir 
le principe de la rotation annuelle de la fonction présidentielle et 
attribuer la direction du DFAE au Président de la Confédération. 
Cette solution aurait l'avantage de concilier présidence, 
représentation de la Suisse à l'étranger et politique étrangère mais 
ne résoudrait pas la question de la continuité des relations nouées 
ni celle de la continuité de la fonction de ministre des affaires 
étrangères d'ailleurs. Ce modèle ferait disparaître la fonction de 
Ministre des affaires étrangères, qui a toute son utilité, comme on 
a pu le voir récemment en Italie. De plus, cette solution 
provoquerait au DFAE une instabilité permanente dans sa direction en 
raison du changement continu de son chef.
Troisièmement, on pourrait prolonger le mandat du Président de la 
Confédération à quatre années tout en lui confiant en permanence la 
responsabilité du DFAE. C'est en effet aux affaires étrangères 
plutôt que dans les autres départements - même si ces derniers ont 
aussi une composante extérieure - que la fonction présidentielle 
peut apporter la plus grande valeur ajoutée.
La continuité des contacts avec les interlocuteurs étrangers serait 
assurée, la stabilité de la représentation des affaires étrangères 
et de la direction du DFAE le serait aussi et la coordination de la 
politique étrangère serait renforcée.
En revanche, ce modèle ne résout pas la question de l'équilibre des 
forces entre les partis et les régions linguistiques au sein du 
Conseil fédéral. De plus, elle dévaloriserait de facto le poids du 
DFE et donc des relations économiques extérieures, composante 
essentielle des intérêts de la Suisse.
A cela s'ajoute le fait que le Président de la Confédération 
"nouvelle formule" verrait sa fonction de quasi-chef de l'Etat 
renforcée, sans avoir de véritables compétences substantielles 
supplémentaires en matière de "policy making" ou de budget.
Quel que soit le scénario qui pourrait être retenu - pour autant que 
l'on décide de rénover le système actuel - il impliquerait 
nécessairement une transformation de la fonction présidentielle et 
accorderait à son titulaire un ascendant par rapport à ses pairs.
Le Président ne serait plus "primus inter pares" mais "primus" tout 
court. Or, une telle innovation bouleverserait notre système 
politique à forte composante consensuelle et collégiale. De 
surcroît, il pourrait ne pas recueillir les faveurs de nombreux 
Suisses qui sont étroitement attachés au caractère sinon 
"égalitaire" du moins non personnalisé du système politique suisse.
On pourrait bien sûr songer à une solution moins ambitieuse : la 
création d'un cabinet diplomatique de quelques diplomates attachés 
pour plusieurs années à la fonction présidentielle et non à un seul 
président. Cette solution permettrait de ne pas perdre les contacts 
acquis au cours des années avec les cabinets des chefs d'Etat et de 
gouvernement étrangers. Sans véritablement résoudre les problèmes 
évoqués plus haut, cette solution améliorerait certainement la 
cohérence et la continuité de notre diplomatie présidentielle. On 
pourrait, par exemple, mieux planifier le choix des visites d'Etat 
sur la durée.
Au cours de l'histoire de l'Etat fédéral, la marge de manœuvre du 
Président de la Confédération en politique étrangère s'est amplifiée 
sous la pression de l'extérieur. L'évolution des relations 
internationales a poussé la Suisse à s'adapter à son environnement 
international. Je suis persuadé que la défense de nos intérêts passe 
par une présence forte sur le front extérieur.
Dans un monde qui n'a plus grand chose à voir avec celui de 1914, 
date du dernier changement de système, je ne suis pas sûr que notre 
conception de la diplomatie présidentielle soit encore adaptée à 
notre environnement international et qu'elle soit à même de défendre 
au mieux nos intérêts.

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