La révision de la loi noyée dans l'alcool !
Lausanne (ots) -
Le 3 juin, le Conseil national est invité à se prononcer une deuxième fois sur la révision totale de la loi sur l'alcool. Le modèle retenu octroie des réductions fiscales massives pour les producteurs de spiritueux et les fournisseurs de matières premières. Ce souci compréhensible de soutenir un secteur de l'agriculture en difficulté fait fausse route : il va au contraire déboucher sur une baisse générale des prix de l'alcool fort sans véritablement améliorer la situation des producteurs indigènes et conduire à une réduction des moyens pour la prévention. La révision semble totalement perdre de vue ses buts initiaux : la réduction de la consommation problématique d'alcool et des dommages qui peuvent en résulter ; la protection de la jeunesse en particulier. Les spécialistes des addictions appellent les Parlementaires à refuser cette loi.
Lors de la révision totale de la loi sur l'alcool, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national (CER-N) propose de voter sur un nouveau modèle d'imposition des spiritueux, qui vise à améliorer la compétitivité des producteurs suisses. Depuis le début de la révision en 2010, c'est tout simplement la cinquième fois que le Parlement change de modèle d'imposition ! Obsédé par les réductions fiscales à accorder aux producteurs suisses, il a progressivement perdu de vue les enjeux sensibles de la régulation de l'alcool dans nos sociétés pour se concentrer sur ce point : « Comment avantager les producteurs suisses sans enfreindre les traités de libre-échange que la Suisse a conclus avec ses partenaires ? »
La commission a en effet décidé d'accorder des allègements fiscaux de l'ordre de 30% pour les producteurs et distillateurs de spiritueux pour autant qu'ils ne dépassent pas les 1'000 litres de production d'alcool pur, soit 3'500 bouteilles d'eau-de-vie (7 dl et 40°). Ce qui peut paraître au premier abord comme une mesure d'encouragement aux petits producteurs suisses n'est en fait qu'une aide déguisée à la production totale des spiritueux car chaque producteur pourra en profiter en trouvant des collaborations avec les fournisseurs de matière première qui n'atteignent pas ce quota. Les réductions fiscales atteindraient donc 30% et le taux d'imposition sur les spiritueux passerait de CHF 29 par litre d'alcool pur actuellement à CHF 20.30, soit une réduction de CHF 8.70, qui signifie une baisse des prix. Même avec la correction du taux d'impôt à CHF 32.-, cette perte n'est pas compensée (CHF 22,40). Concrètement, une bouteille de vodka, qui s'achète aujourd'hui à CHF 10.- (7 dl, 40°), passerait probablement à CHF 8.27 voire à CHF 7,72 si les producteurs répercutent la baisse fiscale sur les prix.
Ces privilèges pourraient s'étendre aux spiritueux étrangers à la lumière de ce qui s'est produit en 1999. Cette année-là, des aides fiscales accordées aux producteurs suisses avaient été dénoncées par nos partenaires économiques européens et la Suisse avait dû massivement baisser ses taxes sur les spiritueux importés. Les conséquences ne s'étaient pas fait attendre avec une hausse de 40% de la consommation de spiritueux en Suisse: elle était même de 75% chez les jeunes hommes en 2001. De surcroît, les conséquences fiscales exactes sont difficiles à calculer et il existe de nombreuses controverses à ce sujet. Cependant, deux choses semblent claires. D'une part, les frais administratifs de surveillance vont augmenter, du fait de la complexité du système. D'autre part, les taxes sur les alcools forts vont baisser, ce qui produira mécaniquement une baisse des prix encore plus massive pour les alcools à très bas prix, et une baisse des moyens pour la prévention. Ainsi, il est temps de revenir à un peu plus de raison et considérer la loi sur l'alcool dans une perspective plus large que le soutien à l'agriculture, compréhensible au demeurant. Les spécialistes des addictions demandent donc au Parlement de refuser le projet proposé.
Contact:
F : Jean-Félix Savary, GREA, secrétaire général, 079 345 73 19
Corine Kibora, Addiction Suisse, porte-parole 079 730 60 75
D : Irene Abderhalden, Addiction Suisse, directrice, 021 321 29 81