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Ce que l'école doit enseigner reflète des attentes de la société

19.01.2017 – 08:00  Schweizerischer Nationalfonds / Fonds national suisse    [newsroom]

Bern (ots) -

Pour la première fois, des chercheurs ont étudié l'évolution des contenus enseignés par l'école obligatoire dans les trois grandes régions linguistiques de Suisse. Le projet financé par le FNS le montre très clairement : qu'il s'agisse de l'enseignement des langues, de l'histoire, des travaux manuels ou de l'éducation physique, rien n'est allé de soi à l'école obligatoire depuis sa création en 1830.

À l'école primaire du 19e siècle, les cours d'histoire consistaient principalement à raconter des histoires. L'enseignement des langues étrangères - français ou allemand selon la région linguistique - a été introduit comme discipline scolaire pour des raisons économiques. Ce n'est que bien plus tard que son importance pour la cohésion nationale est devenue un argument. Le "français", en tant que discipline scolaire telle que nous la connaissons aujourd'hui, n'est apparu que progressivement. À l'origine, il s'agissait d'enseigner la lecture et l'écriture dans les compétences de base. La grammaire et la littérature s'y sont ajoutées plus tard. L'éducation physique est devenue une discipline scolaire obligatoire pour des raisons politiques et militaires et fait l'objet d'une réglementation nationale aujourd'hui encore. À la différence des travaux manuels pour filles, les travaux manuels pour garçons, c'est-à-dire les cours de technologie, sont apparus seulement à la fin du 19e siècle à la suite d'une crise économique. La sténographie a disparu depuis bien longtemps de la liste des disciplines enseignées dans les écoles secondaires. Et l'éducation à la citoyenneté n'est devenue une discipline scolaire à part entière qu'au Tessin de manière temporaire, bien que son introduction soit réclamée régulièrement depuis les années 1870.

Ce ne sont là que quelques-unes des conclusions du projet de recherche interdisciplinaire "Transformation des savoirs scolaires depuis 1830" que le Fonds national suisse (FNS) a financé par le biais du programme Sinergia (cf. encadré). Ce projet montre pour la première fois, grâce à une comparaison entre les différentes régions, comment le système des savoirs scolaires et le temps alloué à chacune des disciplines ont changé depuis 1830.

Le système des savoirs scolaires est rediscuté en permanence

"Si on remonte dans le temps, il apparaît que ce qui doit être enseigné et appris à l'école n'a pas toujours été ce que nous considérons aujourd'hui comme acquis voire naturel. Le système des savoirs scolaires est en définitive une création normative que l'on ne peut comprendre que dans son contexte historique et social", déclare Lucien Criblez, chef de projet général et, depuis 2008, professeur de pédagogie à l'Université de Zurich spécialisé en histoire de l'éducation et analyse des politiques éducatives.

Le projet du FNS a été mené à bien par environ 25 chercheurs répartis en cinq équipes issues des trois grandes régions linguistiques et provenant des Universités de Genève et de Zurich ainsi que des Hautes écoles pédagogiques de la Fachhochschule Nordwestschweiz, de Zurich et du Tessin. Ils ont reconstitué et analysé les contenus des manuels scolaires, des moyens d'enseignement, ainsi que des plans d'études de dix cantons (AG, BE, BS, FR, GE, LU, SZ, VD, TI et ZH) sur environ 150 ans. Pour le choix des cantons, il a notamment été tenu compte des régions linguistiques, des cantons catholiques et réformés ainsi que des centres urbains et des cantons ruraux. Alors que les analyses des plans d'études ont porté sur l'ensemble des disciplines, les analyses des moyens d'enseignement ont été axées sur les disciplines histoire, éducation à la citoyenneté, langue première et langues étrangères. Ces disciplines ont une importance cruciale dans les débats concernant l'appartenance sociale et la politique nationale.

Les sciences comme référence pour les disciplines scolaires

Le changement n'a pas seulement porté sur la liste des disciplines et sur ce qui était enseigné et appris. Les chercheurs sont également arrivés à la conclusion que l'éducation nouvelle, qui est généralement considérée comme une phase de grandes innovations pédagogiques dans le premier tiers du 20e siècle, n'a pas eu une grosse influence sur ce changement. Le facteur déterminant a été l'essor des sciences naturelles dans le dernier tiers du 19e siècle. "Avec leurs découvertes, de nouveaux savoirs sont entrés dans l'école aux 19e et 20e siècles. Le système de savoirs scolaires s'est ainsi trouvé modifié", indique Lucien Criblez. "Les heures supplémentaires consacrées aux sciences naturelles se sont ajoutées au nombre d'heures existant et ont alourdi le programme scolaire. L'une des conséquences a été un vaste débat sur la surcharge des élèves."

Le rapport aux sciences s'est renforcé entre 1960 et 1980 : aux disciplines de référence telles que l'histoire, la langue et la littérature allemandes, les langues et les littératures romanes, les mathématiques et bien d'autres, se sont ajoutées les sciences sociales, c'est-à-dire notamment les sciences de l'éducation et la psychologie. L'importance des différents acteurs qui définissent la politique en matière de savoirs scolaires a de ce fait également évolué : "Alors que les inspecteurs scolaires et les directeurs d'écoles normales définissaient autrefois quels contenus devaient être enseignés et comment, on a davantage écouté les scientifiques, mais aussi les enseignants", indique Lucien Criblez. Dans le même temps, on a également assisté au développement de la didactique des disciplines, qui met à disposition des savoirs attestés scientifiquement concernant la transmission des savoirs.

Parallèles avec les débats actuels sur les plans d'études

L'analyse historique de ce qui doit être enseigné et appris à l'école et de la légitimation du système des savoirs scolaires montre que l'école assure des missions sociales fondamentales, et qu'elle constitue donc une fonction de la société. « Le programme scolaire et le système des savoirs scolaires sont soumis dans ce contexte à un processus de négociation permanent", précise Lucien Criblez.

Le débat actuel autour du plan d'études et des langues montre également que "des négociations sociales sur ces questions sont impératives. Par exemple, il n'existe pas d'élément scientifiquement prouvé sur la base duquel nous pourrions décider quelle langue étrangère apprendre en premier. Il n'y a pas de bon ou de mauvais choix. La réponse ne peut donc être que le résultat d'un processus de négociation. Celui-ci dépend au bout du compte du contexte historique, des attentes de la société envers l'école et des majorités politiques", explique le chef de projet. Selon lui, l'économisation souvent déplorée de l'école n'est pas non plus une nouveauté d'un point de vue historique, l'école secondaire actuelle ayant été créée dans les années 1830 largement pour des raisons économiques.

Neuf thèses, dont la publication est prévue au cours des deux prochaines années, et une habilitation sont menées dans le cadre du projet Sinergia. Environ deux millions de francs ont été mis à disposition pour les travaux de recherche.

Sélection de résultats par discipline et par région linguistique http://www.snf.ch/SiteCollectionDocuments/medienmitteilungen/170119_mm_kontakte_sinergia_zusatzinfo_fr.pdf

Conférence : les 2 et 3 février 2017, Université de Zurich, "Transformation des savoirs scolaires - Disciplines scolaires, plans d'études, moyens d'enseignement"

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Sinergia : permettre la recherche interdisciplinaire

Au travers du programme Sinergia, le FNS soutient la coopération entre deux et quatre groupes menant des recherches interdisciplinaires visant une recherche pionnière. Le financement dépend du nombre de groupes de recherche et de la durée d'un projet. Il varie entre 50 000 et 3,2 millions de francs. La durée est de 1 à 4 ans.

www.snf.ch/fr/encouragement/programmes/sinergia

Contact:

Prof. Lucien Criblez
Professeur en histoire de l'éducation et pilotage du système de
formation,
Université de Zurich, Direction de projet générale
Tél.: +41 44 634 27 31
E-mail: lcriblez@ife.uzh.ch

Autres interlocuteurs par région linguistique http://www.snf.ch/Sit
eCollectionDocuments/medienmitteilungen/170119_mm_kontakte_sinergia_l
ehrplaene_fr.pdf